Ressentiment et démocratie

Autour de nous, depuis cette dernière décennie, et en Europe, les démocraties s’affaiblissent au profit de régimes de plus en plus autoritaires.

Des guerres et crises secouent les populations. En 2015, 2018, la folie terrorisme nous frappait déjà durement. Aux événements du Bataclan, de Charlie Hebdo, a succédé la sidération de la pandémie Covid 19 et d’innommables assassinats au nom d’un dieu.

A ce jour, rien ne semble apaiser nos peurs, bien au contraire. Je ne sais pas si nous sommes tous inquiets pour les mêmes raisons. La seule chose dont je sois certaine, pour le mesurer chaque jour, est que les tensions sont palpables et que je ne peux m’étonner des discours dits décomplexé qui, pour ma part, ne sont le reflet que du pourrissement de diverses rancœurs.

Petite fille des années 60-70, j’ai eu rapidement le sentiment effrayant que ces rancœurs, trop souvent exprimées, n’étaient pas que des rancœurs mais devaient être beaucoup plus. Curieusement, d’ailleurs, ce n’est pas toujours les plus malheureux qui tiennent des discours haineux sur des personnes, des situations…. Ceux sont parfois des individus que l’âpreté de la vie n’a pas foncièrement fragilisés.

En 2020, au cœur de la pandémie, appelé aussi « syndémie », je lis l’ouvrage Ci-gît l’amer, au titre optimiste de « Guérir du Ressentiment », de Cynthia Fleury1, Par ailleurs, dans mon entourage, très proche des milieux de l’éducation et de la santé, en 2021, circule le tract de Barbara Stiegler2, co-écrit avec d’autres enseignants-chercheurs, « la démocratie en pandémie », alertant sur la nécessité, pour la survie de la démocratie, de rétablir des liens de confiance entre le savoir et les citoyens. De la nécessité qu’une résistance émane aussi du monde savant de s’engager dans des débats politique cruciaux autour de la santé et de l’avenir du vivant pour que soit préserver la démocratie.

Les écrits de ces deux femmes ont pu apporter réponse à mes questions sur les sources de cette affaiblissement progressif de la démocratie, sur l’instauration de régime plus autoritaire et de la dérive tant craint de déboucher sur des idéologies et régimes totalitaires. J’aurai, bien sûr, à l’appui des ouvrages et réflexions des deux auteurs précédemment cités, des réponses issues prioritairement d’une approche psychanalytique et philosophique du sujet.

C’est quoi exactement le ressentiment ?

Cynthia Fleury parle de pulsion ressentimiste dans son ouvrage, propre à gangréner les histoires individuelles et collectives représentant une menace pour la démocratie. Max Sheler3 a défini le ressentiment dans un essai en 1912, ainsi, « le ressentiment est l’expérience et la rumination d’une certaine réaction affective dirigée contre un autre, qui donnent à ce sentiment de gagner en profondeur et de pénétrer peu à peu au cœur même de la personne tout en abandonnant le terrain de l’expression et de l’activité ». Le ressentiment est donc une amertume en racinée qui n’est ni à confondre avec la colère, ni à une simple rancœur. Mâché et remâché, le ressentiment va envahir son sujet qui ne voudra plus se défaire de cet état qui ne l’amènera ni au dialogue ni à l’action. Le ressentiment creuse en profondeur et conduit à son paroxysme à une détestation moins dirigée, plus diffuse. Karl Polanyi4, je cite, souligne « cela creuse, cela ronge et la compensation devient, à chaque relance dudit ressentiment, plus impossible, le besoin de réparation étant à ce point inassouvissable. »

Nous traiterons ensuite le questionnement sur l’origine du ressentiment, des voies de sortie de celui-ci, de la bascule du ressentiment individuel au ressentiment collectif et plus encore…

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  1. Cynthia Fleury est philosophe et psychanalyste, professeur titulaire de la chaire « Humanités et Santé » au Conservatoire National des arts et métiers et professeur associé à l’École nationale supérieure des mines de Paris (Mines-ParisTech), titulaire également de la chaire de philosophie à l’hôpital Sainte-Anne du GHU Paris psychiatrie et neurosciences,  membre du conseil d’administration de l’ONG Santé Diabète. ↩︎
  2. Barbara Stiegler est responsable à l’université Bordeaux-Montaigne du master « soin, éthique et santé » ↩︎
  3. Philosophe allemand (Munich 1874-Francfort 1928) affirme l’indépendance des valeurs éternelles et immuables. Son œuvre essentielle est Nature et formes de la sympathie (1923) ; il a écrit également Du renversement des valeurs (1919), qui l’a fait regarder comme un « Nietzsche christianisé », bien qu’il se soit éloigné du catholicisme en 1925. ↩︎
  4. Karl Polanyi (1886-1964 est un économiste d’origine hongroise. Socialiste influencé par le marxisme, il est connu pour son maître ouvrage, La Grande Transformation. ↩︎
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